Ceux de Scissy:

Le petit peuple de la mer, une fiction de Jefke van de Kerkof

 Chapitre 35

Depuis qu’on l’avait assigné à résidence dans sa taverne de Montviron, Détritux n’arrêtait pas de retourner la situation dans tous les sens pour essayer de revenir dans les bonnes grâces de Bertrand et de Crotoy. Cela lui paraissait être l’unique moyen pour lui de s’assurer une protection dans le pays où, depuis l’affaire  des têtes coupées, il n’avait plus aucun crédit. Un pêcheur qui passait dans le coin  lui avait raconté au bout de quelques chopines  que le corps du Borgne gisait au bas de la falaise au pied de l’ancien corps de garde, sa dépouille attirant les oiseaux. Il s’était dit que si le gros avait échoué là, c’est qu’il était tombé du haut. Tout de suite, il avait pensé que le Borgne, après avoir vendu les enfants, était venu se réfugier dans la cabane de pierre. Le  pêcheur n’avait pas oser s’approcher du cadavre. L’endroit était maintenant maudit. Il n’était pas monté sur la falaise pour inspecter la cabane. Mais lui, Détritux le mouchard , voulait en avoir le cœur net. Lorsqu’il avait mené Crotoy retrouver le Borgne à Sartilleo pour l’échange des enfants, il avait surpris le gros au moment où celui-ci lui présentait le  Rebec  et le Nakiri (sabre) comme preuve de la noble origine des jouvenceaux.  Ces deux objets devaient forcément se trouver quelque part. Il en avait déduit que lui, Détritux, aurait une petite chance de les découvrir cachés dans la cabane. Le tavernier était persuadé que Crotoy serait heureux de récupérer ces deux preuves compromettantes et qu’il saurait lui laisser un gage sa reconnaissance. C’est pourquoi ce dimanche matin-là, il se leva plus tôt et partit au petit trot depuis sa taverne de Monviron jusqu’aux falaises de Champeaux. Il évita la grand route de Sartilleo et parvint par les chemins de traverse jusqu’à longer les falaises de la pointe de Champeaux jusqu’à l’ancien corps de garde, sans rencontrer âme qui vive. La mauvaise réputation du lieu  semblait  se renforcer. Il pénétra tout de suite dans la cabane dépouillée de sa porte. Il y trouva les restes de paillasses et quelques débris de nourriture et une chandelle qui y traînaient encore. Il était tôt et le vent du sud-est avait ramené quelques colonies de nuages. Cela ne présageait rien de bon pour le temps du lendemain.  







En ressortant sur la plate-forme, devant la maisonnette, il se pencha pour voir une demi-douzaine de freux qui s’acharnaient encore sur la carcasse du borgne. Alors, remontant sur le tertre au-dessus de la cabane, il se retourna vers l’autre versant du Lude qui coulait au fond du vallon et à son grand étonnement, du côté des ruines du village incendié, il vit se profiler des ombres qui s’agitaient, aussi petites que des fourmis, puis qui ne tardèrent pas à disparaître. Qui donc pouvaient bien fréquenter cet endroit désormais désolé. Des soldats de Crotoy? ll ne le crut pas un seul instant : il aurait vu le reflet de leurs armures, de leurs lances et le mouvement de leurs chevaux. Et puis, les petites silhouettes n’avaient rien de militaire. Il se décida de s’en retourner bien vite pour courir jusqu’à Avranches communiquer cette information qui, somme toute, intéresserait davantage Crotoy que le rebec et le sabre, relique d’un ancien monde désormais englouti. Il remonta sur sa monture et reprit le chemin de la falaise par où il était venu…

Mais, depuis la croix de Pâques, Flodoard qui n’avait pas l’œil dans sa poche l’avait bien vu. Il avait dévalé la petite pente pour prévenir Galfand, Jacquouilles   et Leïf qui s’escrimaient à rapporter le grand panier rempli de toutes les peaux qu’ils avaient bien pu  trouver dans la grange du vieux Somba au village des loups. Ils avaient laissé leurs chevaux un peu plus haut dans un bosquet pour éviter qu’on ne les repère depuis les hauteurs  de Champeaux. Ils n’avaient pas pensé à un observateur qui les guetterait depuis la cabane des gardes.

- Cachez-vous, leur hurla le novice, cachez-vous … Il y a quelqu’un qui nous observe.

Aussitôt ils s’allongèrent sur le sol et attendirent un long moment.

- Où est-il ? questionna Galfand, il nous a vus ?

- Je sais pas, repondit Flodorad, je crois qu’il est reparti. Il était au corps de garde mais je crois avoir vu un homme s’éloigner vers les sud sur un cheval.




Résumé: Alors que les enfants de Scissy tentent d’échapper à leurs poursuivants dans la forêt, L’abbé Tancrède part à la rencontre d’Aldebert, évêque de Constancia. Aldebert accepte la proposition de l’abbé de lui confier Tola, Celo et Ipona qu’il détient dans les geôles de l’Abbaye. Les recherches se poursuivent dans la forêt pendant que Tancrède mène Aldebert jusqu’à Allibert, l’évêque d’Avranches en son logis pour lui remettre les trois louviers. En suivant un chemin dérobé, Galfand, Jacquouilles, Flodoard et les enfants de Scissy parviennent à regagner le village brûlé de Karol. Là, ils se réfugient tous dans la petite cabane à chèvres du berger. Galfand parcourt le haut de la falaise et en observant la mer, découvre une  terre qui émerge à l’horizon. Il lui semble y apercevoir une fumée. C’est en observant le vol des mouettes de falaises qu’il lui vient une idée. Galfand se met en œuvre pour réaliser son projet : il cherche d’abord des vessies d’animaux dans la grange du vieux Somba, puis récupère tout ce que les enfants de Scissy avaient bien pu abandonner dans la grotte, : toiles, peaux de mouton, fils, outils… Les enfants sont très enthousiastes quand il leur révèle la découverte au loin d’une île qui semblait toujours habitée.  Hélas, comment s’y rendre toutes les côtes sont maintenant  surveillées  et les ports où trouver un bateau leur sont interdits.  Galfand leur expose alors son idée. Ils vont confectionner un ballon et une nacelle  les vents, quand ils seront favorables, les porteront jusqu’au havre de cet île. Pendant ce temps, Crotoy comprend qu’il a été abusé dans leur recherche. Sa seule chance de retrouver les enfants de Scisssy tient dans les quelques renseignements que pourront lui fournir Tola, Cello et Ipona, sous la torture s’il le faut. Il retourne à la cité abrincate pour les soumettre à un interrogatoire.