Chapitre 36

Les soldats fouillèrent la lande en bordure de falaise, descendirent jusqu’à la petite plage de galets, remontèrent jusqu’à la cabane de pierre en vigie sur la haut de la falaise, écumèrent le vallon où courait le Lude jusqu’à la mer, passèrent au crible la petite forêt environnante, sans succès. Puis ils abandonnèrent leurs recherches à regret laissant s’envoler la prime promise par Crotoy. La vallée du Lude , le poste de garde, le petit lavoir , le Pignon Butor retrouvèrent leur calme initial juste troublé par le piaillement des mouettes et les lamentations des goéland. Au-dessus des îles, le ciel s’était dégagé, et un renversement du vent annonçait le retour du beau temps. Que Jacquouilles ait pu échapper aux  cavaliers du capitaine n’était pas si étrange. Le berger boiteux avait dévalé la falaise en se cachant parmi les genêts et les ajoncs qui couvraient la pente. Il avait atteint la pente rocheuse abrupte qui plongeait sur les récifs, invisible depuis le sommet et s’était glissé par une cheminée de sa connaissance qui lui permettait d’atteindre les rochers. De là, épiant les hommes qui le cherchaient au sommet  de la falaise il s’était fondu dans le décor accidenté de la côte pour gagner la côte, là où une bande de sable  permettait de se déplacer à pied à marée basse avec de l’eau jusqu’au cou. Il était passé inaperçu dans les vagues et, contournant le bas du pignon Butor, il avait gagné les dunes, transi et apeuré. De nouveau,  il avait tout perdu et se retrouvait encore seul, orphelin de tout son peuple et de ses nouveaux amis.  Sa tête était mise à prix. Il commençait de désespérer. Il se mit à penser aux pauvres ressources qu’il lui restait. Ses quelques chèvre égayées dans la lande, quelques poules égarées, car même le chien  Buba avait disparu…

 Cependant, Buba n’avait pas perdu le nord. Il avait filé entre les pattes de la cavalerie ennemi et avait refait à rebrousse-poil tout le chemin qu’ils avaient parcouru depuis leur fuite de l’abbaye. Il avait traversé le village des loups, redescendu  le cours du ruisseau de Vaumoisson, remonté depuis la fprêt de Bouillon tout le vallon  de la petite rivière Allemagne jusqu’au lieu dit les Allamans. Là il s’était mis à aboyer devant une petite ferme. Intrigué, le tenancier en était alors sorti pour faire taire l’animal. Il fut stupéfait de revoir Buba superbe dans sa robe toute blanche qui continuait d’aboyer sans aucune forme d’animosité. Il cherchait à lui communiquer quelque chose. A ce moment, un volet s’ouvrit et on vit apparaître un autre homme, le bras en écharpe, qui s’appuyait avec difficulté dans l’encadrement.





Il y eut dans le feu une succession d’étincelles  et presqu’immédiatement après  toutes leurs cordes se tendirent mais ils s’élevèrent néanmoins de quelques mètres. Alrun rencontra le regard anxieux de ses deux frères. Ils pensaient tous la même  chose. Pourvu que cette poussée fut  suffisante pour atteindre leur île. Maintenant le flacon était vide. Il n’y avait plus qu’à attendre. Flodoard pendant ce temps continuait à prier.

Mais bientôt, de nouveau , l’air contenu dans le ballon se refroidit  Et inexorablement le minuscule aéronef se rapprochait toujours des flots. Bientôt la nacelle trempa dans la grande soupe jusqu’ à ce que, trop freinée par les eaux leur grande chaussette ne bascule tout à fait les précipitant tout à coup à la mer. Tout était perdu. Ils allaient finirent par tous se noyer dans la même grande vague qui quelques temps auparavant avait englouti leurs parents, il n’y avait pas si longtemps …

A ce moment Per sentit un crochet qui le ramenait à la surface et basculait tout son corps au fond d’une barque. Puis se fut le tour de Flodoard. Et encore le harpon vint chercher la capuche de Leïf et ce furent cette fois deux bras qui le renversèrent au fond du bateau. Alrun, bien rafraîchie par sa chute dans l’eau froide, parvint à se hisser toute seule par dessus bord.

   

- Ben alors, la jeunesse, j’avions encore jamais vu  de nef de la sorte. C’est-y pour pêcher la chevrette ?

Le fort gaillard rouquin qui parlait de la sorte était un des pêcheur des îles. Ils étaient parvenus sur celle de Chausey …