- Somba était un apothicaire savant et il était capable de guérir bien des maladies comme peuvent en témoigner nombre de vilains des alentours, quand à ses grimoires, ils ont leur place dans une  bibliothèque comme celle du du diocèse ou dans un scriptorium pour être maintes fois copiés…

- Es-tu bien sür Galfand, que toi-même, n’as pas usé des mêmes sortilèges que Somba ?

- - Il n’y a rien de magique dans l’art de jongler. Il s’agit plus d’habileté et d’entraînement ….

-  Cesse de me narguer avec tes boules. Je veux parler de tes activités récentes.

Le ménestrel pensa que c’était le bon moment pour tenter d’en apprendre davantage sur les petits-enfants de Somba :

- Et de quoi peut-on bien accuser les trois louviers que tu tiens enfermés ici ?

- S’ils sont ici c’est parce qu’ils se sont rendus coupables du massacre des chevriers de Karol …

- Peux-tu m’expliquer alors pourquoi ils étaient détenus dans une cellule de l’Abbaye de La Lucerne avant qu’on ne te les livre à ta capitainerie d’Avranches. A qui voulais-tu vendre les enfants de Scissy que tu retenais au secret ?

- De quels enfants veux-tu parler, Ménestrel ? De ceux que tu t’amusais à suspendre entre ciel et terre  par le sortilège d’un de tes maléfices. De quelle protection divine ont-ils bien pu bénéficier ? Je te le dis Galfand, tes pratiques ressemblent beaucoup à celles de Somba et je crains que l’évêque n’applique sur toi les mêmes châtiments purificateurs.

- Je te propose un marché, Crotoy. Laisse les  héritiers de Somba en dehors de toute accusation et je te promets d’abjurer ce que tu appelles mon hérésie…

- Je ne suis juge en aucune matière, Galfand. Je suis juste tenu de livrer les coupables à mon évêque, maître et seigneur. Ta requête lui sera transmise.  Mais il me faut aussi savoir où se cachent encore tous les serviteurs de Somba. Et je pense bien devoir encore interroger nos trois prisonniers pour qu’ils nous délivrent enfin la vérité.

Et il s’en retourna en éclatant de rire, laissant tinter ses éperons sur les marches qui remontaient à la salle d’arme. La porte se referma lourdement.

Le ménestrel avait pourtant appris ce qu’il cherchait à savoir. Tola, Cello et Ipona étaient bien enfermés dans une geôle toute proche.

Le lendemain était un mardi et le permier diacre chargé de noter sur le registre  le nom des visiteurs qui avaient sollicité un entretien avec son excellence monseigneur l’Evêque et qui  avaient l’insigne honneur d’être accueillis au Castel,  eut la surprise de trouver celui du seigneur Robert de Vaumoisson, premier échevin d’Avranches.

- Toute la salle explosa aussitôt de rire et l’impudent troubadour ne manqua pas de rajouter bien haut:

- - Et bien chevalier, pari tenu. Les  fioles ne se sont pas renversées sur ma tête, qu’en dis-tu ?

Le rire de toute la cour, dames et seigneurs, redoubla de tant d’esprit.

Crotoy s’était relevé brusquement tout couvert de crème  et avait quitté la salle aussitôt sous les huées de l’assistance, hurlant qu’il aurait un jour  la peau  du baladin… Il n’avait jamais oublié cet affront.

Protégé par le seigneur, le barde et tous ses saltimbanques avaient pu quitter le château sans plus s’attirer ses foudres.

C’est bien cet homme que Crotoy allait retrouver détenu au fond d’un de ces cachots. Il jubilait.

Galfand qui avait repris connaissance  sur le sol humide de son cachot échaffaudait lui aussi ses plans. Il se doutait  que Tola, Cello et Ipona ne devaient pas être enfermé très loin d’ici. A moins qu’ils n’aient déjà eété transféré dans le castel de l’évêque. Il allait ssayer de le savoir. Quand il entendit des pas descendre dans l’escalier et la clé tourner dans la serrure, il se demanda de quels crimes on allait l’accuser. La silhouette de Crotoy s’encadra dans la porte pendant qu’un garde assujettissait les anneaux pour le retenir au mur :

- Tu vois, Galfand, j’avais raison de te dire qu’on finirait par se retrouver …

- Qu’as-tu fait du vieux Somba, scélérat ?

-  Le vieux sorcier nous as bien réchauffé les yeux et le cœur, sur la place du marché la semaine passée. Dieu n’a pas voulu pardonner tous ses commerces avec le démon. Il a reconnu le massacre qu’il avait perpétué contre les âmes innocentes du village de Karol.

-  Mensonges. Tu as fait passer Somba par le bûcher comme je le craignais. Mais ce sont tes propres soudards qui ont perpétué le massacre ds chevriers et sous tes propres ordres et je crois bien savoir pourquoi…

- Oses tu contredire le jugement  d’hérésie  prononcé par le  tribunal inquisitoire de l’évêque. D’autres indices avaient été relevés contre lui. L’usage par exemple de poudres diaboliques et de recettes sataniques dans le but de pervertir les corps et les âmes…