17 mai 2020

Blitz Krieg: mai juin 40 + humour bouddhist   : Léopold Sedar Senghor, “Au Guélowar”

Senghor a 34 ans en 1940 et le grand poète et futur homme politique sénégalais, a été mobilisé comme simple soldat au 31e Régiment d’Infanterie coloniale (malgré sa naturalisation française).

Il a été fait prisonnier le 20 juin à La Charité-sur-Loire. Au cours de la campagne, de 1.500 à 3.000 tirailleurs sénégalais ont été massacrés de sang-froid par leurs vainqueurs. Pour sa part, Senghor a échappé de peu à l’exécution, grâce à l’intervention d’un officier français. Il sera finalement libéré pour cause de maladie au début de 1942. Voici ce qu’il écrit, alors qu’il se trouve au frontstalag d’Amiens, en septembre 1940 :

« Nous sommes des petits oiseaux tombés du nid, des corps privés d’espoir et qui se fanent
Des fauves aux griffes rognées, des soldats désarmés, des hommes nus.
Et nous voilà tout gourds et gauches comme des aveugles sans mains.
Les plus purs d’entre nous sont morts : ils n’ont pas pu avaler le pain de honte.
Et nous voilà pris dans les rets, livrés à la barbarie des civilisés
Exterminés comme des phacochères. Gloire aux tanks et gloire aux avions !
Nous avons cherché un appui, qui croulait comme le sable des dunes,
Des chefs, et ils étaient absents, des compagnons, ils ne nous reconnaissaient plus
Et nous ne reconnaissions plus la France.
Dans la nuit nous avons crié notre détresse. Pas une voix n’a répondu ».

Léopold Sedar Senghor (1906-2001), “Au Guélowar”, publié dans Hosties noires (1942)


18 mai 2020

Le monde n’est qu’un bal masqué
Où l’incongru est embusqué,
Plein de gens faux et hypocrites
Aux vies de rien trop mal écrites.

Derrière leurs loups, incognito,
Sans un soupçon de cogito,
Ils s’amusent au jeu de la vie,
Laissant leurs jours inassouvis.

Disparaître dans le paraître
Et être, même , avant de naître,
Voilà ce jour le paradoxe
De ce temps de frime et d’intox.

Polichinelle et Colombine
Devenus dieux de la combine
Autres Arlequins et Scaramouche
Se la jouant sainte Nitouche.



Château de fables et comédie
En trois actes de tragédie
Escamotant dés le matin,
Ce qu’on ne voit que sous le tain.

Le monde n’est qu’un bal masqué
Où tu n’es là que pour casquer
Sachant que ceux qui là s’amusent
N’apportent rien à la cambuse.

Et dire qu’il faudra des balles,
Pour mettre un terme à tout ce bal,
Je suis heureux d’être trop vieux,
Pour voir venir ces jours pluvieux !


Gabriel FRANCESCHINI

Au bal masqué.