15 mai 2020


Déconfiner en paix

« Ce cœur qui haïssait la guerre… »

Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent,
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne,
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées,
du jour et de la nuit.

Robert Desnos, 1943 (paru dans L’Honneur des poètes)


Samedi 16 mai 2020


J'écrirai le jeudi

j'écrirai le dimanche

quand je n'irai pas à l'école

j'écrirai des nouvelles

j'écrirai des romans

et même des paraboles

je parlerai de mon village

je parlerai de mes parents

de mes aïeux de mes aïeules

je décrirai les prés je décrirai les champs

les broutilles et les bestioles

puis je voyagerai jusqu'en Iran

au Tibet ou bien au Népal

et ce qui est beaucoup plus intéressant

du côté de Sirius ou d'Algol

où tout me paraîtra tellement étonnant

que revenu dans mon écolej

e mettrai l'orthographe mélancoliquement.

R.Queneau (Battre la campagne)