« Violette,… chère Violette,… il me semble que je sors d’un long rêve ! Raconte-
— Chut ! dit Violette ; n’éveille pas notre mère qui dort. Voilà bien longtemps qu’elle n’avait dormi ; elle est fatiguée ; tu as été bien malade !
— Et toi, Violette, t’es-
Violette rougit, hésita.
« Comment aurais-
Ourson se tut à son tour ; il la regarda d’un œil attendri et lui baisa les mains. Il lui demanda encore ce qui s’était passé, elle le lui raconta ; mais elle était trop modeste et trop réellement dévouée pour lui révéler le prix que la fée avait attaché à sa guérison. Ourson n’en sut donc rien.
Ourson, qui se sentait revenu à la santé, se leva et, s’approchant doucement de sa mère, l’éveilla par un baiser. Agnella crut qu’il avait le délire ; elle cria, appela Passerose et fut fort étonnée quand Violette lui raconta comment Ourson avait été sauvé par la bonne petite fée Drôlette.
À partir de ce jour, Ourson et Violette s’aimèrent plus tendrement que jamais : ils ne se quittaient que lorsque leurs occupations l’exigeaient impérieusement.
Mardi 26 mai
La Cueillette des Cerises
Espiègle ! j’ai bien vu tout ce que vous faisiez,
Ce matin, dans le champ planté de cerisiers
Où seule vous étiez, nu-
Caché par le taillis, j’observais. Une branche,
Lourde sous les fruits mûrs, vous barrait le chemin
Et se trouvait à la hauteur de votre main.
Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles,
Coquette ! et les avez mises à vos oreilles,
Tandis qu’un vent léger dans vos boucles jouait.
Alors, vous asseyant pour cueillir un bleuet
Dans l’herbe, et puis un autre, et puis un autre encore,
Vous les avez piqués dans vos cheveux d’aurore ;
Et, les bras recourbés sur votre front fleuri,
Assise dans le vert gazon, vous avez ri ;
Et vos joyeuses dents jetaient une étincelle.
Mais pendant ce temps-
Un seul témoin, qui vous gardera le secret,
Tout heureux de vous voir heureuse, comparait,
Sur votre frais visage animé par les brises,
Vos regards aux bleuets, vos lèvres aux cerises.
François Coppée