—  Je ne l’ai pas revu, dit Agnella.  —  Ni moi, dit Passerose. Je vais le chercher. »

Elle alla dans la chambre d’Ourson ; elle le trouva assis près de son lit, la tête appuyée sur son bras.

« Venez, Ourson, venez vite ; on vous attend pour dîner.

—  Je ne puis, dit Ourson d’une voix affaiblie ; j’ai la tête trop pesante. »

Passerose alla prévenir Agnella et Violette qu’Ourson était malade ; elles coururent toutes deux auprès de lui. Ourson voulut se lever pour les rassurer, mais il tomba sur sa chaise. Agnella lui trouva de la fièvre et le fit coucher. Violette refusa résolument de le quitter.

« C’est à cause de moi qu’il est malade, dit-elle : je ne le quitterai que lorsqu’il sera guéri. Je mourrai d’inquiétude si vous m’éloignez de mon frère chéri. »

Agnella et Violette s’installèrent donc près de leur cher malade. Bientôt le pauvre Ourson ne les reconnut plus ; il avait le délire ; à chaque instant il appelait sa mère et Violette, et il continuait à les appeler et à se plaindre de leur absence pendant qu’elles le soutenaient dans leurs bras.

Agnella et Violette ne le quittèrent ni jour ni nuit pendant toute la durée de la maladie : le huitième jour Agnella, épuisée de fatigue, s’était assoupie près du lit du pauvre Ourson, dont la respiration haletante, l’œil éteint, semblaient annoncer une fin prochaine. Violette, à genoux près de son lit et tenant entre ses mains une des mains velues d’Ourson, la couvrait de larmes et de baisers.

Au milieu de cette désolation, un chant doux et clair vint interrompre le lugubre silence de la chambre du mourant. Violette tressaillit. Ce chant si doux semblait apporter la consolation et le bonheur ; elle leva la tête et vit une Alouette perchée sur la croisée ouverte.

« Violette ! » dit l’Alouette.

Violette tressaillit.

« Violette, continua la petite voix douce de l’Alouette, aimes-tu Ourson ?

— Si je l’aime ! Ah ! je l’aime,… je l’aime plus que tout au monde, plus que moi-même.

— Rachèterais-tu sa vie au prix de ton bonheur ?

— Je la rachèterais au prix de mon bonheur et de ma propre vie !

— Écoute, Violette, je suis la fée Drôlette ; j’aime Ourson, je t’aime, j’aime ta famille. Le venin que ma sœur Rageuse a soufflé sur la tête d’Ourson doit le faire mourir… Cependant, si tu es sincère, si tu éprouves réellement pour Ourson le sentiment de tendresse et de reconnaissance que tu exprimes, sa vie est entre tes mains… Il t’est permis de la racheter ; mais souviens-toi que tu seras bientôt appelée à lui donner une preuve terrible de ton attachement, et que, s’il vit, tu payeras son existence par un terrible dévouement.

— Oh ! madame ! Vite, vite, dites-moi ce que je dois faire pour sauver mon cher Ourson ! Rien ne me sera terrible, tout me sera joie et bonheur si vous m’aidez à le sauver.

— Bien, mon enfant ; très bien, dit la fée. Baise-lui trois fois l’oreille gauche en disant à chaque baiser : « À toi… Pour toi… Avec toi… » Réfléchis encore avant d’entreprendre sa guérison. Si tu n’es pas prête aux plus durs sacrifices, il t’en arrivera malheur. Ma sœur Rageuse serait maîtresse de ta vie. »

Pour toute réponse, Violette croisa les mains sur son cœur, jeta sur la fée qui s’envolait un regard de tendre reconnaissance, et, se précipitant sur Ourson, elle lui baisa trois fois l’oreille en disant d’un accent pénétré : « À toi… Pour toi… Avec toi… » À peine eut-elle fini qu’Ourson poussa un profond soupir, ouvrit les yeux, aperçut Violette, et, lui saisissant les mains, les porta à ses lèvres en disant :