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Alors ils s’activèrent dans tous les sens ; Alrun et Per revinrent avec la bobine de fil et les aiguille. Pendant que Galfand et Leiïf s’efforçaient de découper les peaux avec des forces à tondre, les seules cisailles qu’ils aient pu trouver au village des loups. Galfand avait dressé le patron de la sphère en en traçant son dessin approximatif sur le sol. Jacquouilles de son côté ramassait le bois nécessaire au chauffage du ballon. Dès que deux morceaux étaient découpés, pendant que Per à l’œil de lynx enfilait le fil par le chas des aiguilles, Alrun s’efforçait de toute l’agilité de ses doigts de les coudre en prenant bien soin de les ourler afin d’augmenter au maximum l’étanchéité du patchwork. Parfois une aiguille se cassait ou un fil s’échappait déclenchant un juron qui trahissait le vocabulaire fleuri usité par les enfants.
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Galfand les activait. Il se rendait bien compte que l’ouvrage ne serait pas terminé avant bien des heures, retardant leur départ. De temps en temps il se relevait et marchait jusqu’au bord de la falaise jusqu’au Pignon Butor, surnommé ainsi par les chevriers parce que les grottes qu’il dominait abondait autrefois en parois aurifères. Ce sont elles qui avaient valu la réputation d’orpailleurs aux gardiens de chèvre. Là, il scrutait le ciel et l’océan jusqu’aux îles lointaines, trop lointaines pour lui, et tâchait d’évaluer le temps de vol nécessaire aux enfants pour y parvenir. Hélas, il savait bien que tout dépendrait du vent. Puis, il se retournait anxieux pour attirer le regard de Flodoard et lui demander par signes s’il ne voyait rien venir. Le novice lui répondait par de grands gestes qui se voulaient rassurants. Alors il retournait vite sur le chantier de l’aéronef pour activer ses troupes. Au village des bûcherons, dans la cuisine d’Ipona, ils avaient découvert une grosse marmite en terre avec deux anses qui permettraient de la suspendre au ballon. ll avait fallu retourner la rechercher et, pour ne pas risquer de la briser, la transporter précautionneusement attachée sur une perche tendue entre Cavale et Brunpoil qui firent la route à pas mesurés.
Tous ces préparatifs les menèrent jusqu ‘à la fin de l’après midi. Enfin on avait pu réunir les peaux qui formaient une sorte de poche de six mètres de haut sur trois de large dans sa plus grande largeur. Evidemment, elle n’était pas trop étanche. Mais Galfand pensait que le dieu du ciel, Taranis, pour une fois, pouvait bien leur venir en aide. Ils fixèrent alors le grand panier avec les cordelettes. Ça tenait mais c’était déjà lourd. Jacquouilles avait réuni un maximum de bois mort qu’il fallut porter à l’endroit présumé que le ménestrel avait minutieusement choisi pour décoller un peu à l’écart de la plate forme du Pignon Butor. A l’aide de Cavale et de Brunpoil, on fit venir la marmite. C’est ce moment qu’Alrun choisit pour s’exclamer :
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La nouvelle tomba comme un couperet. Il ne les accompagnerait pas ! Tous se mirent à protester, disant qu’ils avaient peur, qu’ils n’avaient pas confiance dans la machine, qu’ils allaient périr en mer. Les plus malins argumentèrent qu’ils ne pouvaient pas le laisser seul, sans protection face à l’ennemi, qu’il finirait prisonnier de Crotoy qui le ferait périr … sur le bûcher !
Galfand voulu se montrer rassurant.
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A ce moment Buba qui tournait dans leur jambe se mit à japper joyeusement.
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Et il s’éloigna, l’air fâché, pour cacher son émotion. Les enfants se consultèrent sans plus oser dire un mot.
Peu après, il se leva pour les rejoindre.
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Il s s’en retournèrent, fraternellement, les bras entourant les épaules, un peu tristes de devoir se séparer.